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(Quand je peins je ne réfléchis pas. Dire des choses m’est très difficile. J’ai écrit ce texte avec méfiance mais il faut bien lancer une bouteille à la mer.)

Né le 13 octobre 1968 à Issy Les Moulineaux (Hauts de Seine). Autodidacte.

Ca faisait 20 ans que je peignais sans montrer. A personne. A m’enfoncer.
Et à rompre de toutes parts. Autant qu’il a été possible.
Rempli de cette haine terrible envers ce que j’aurai du aimer.
A ne pas accepter de consolation.
Et à continuer. Sans savoir où aller.
Trouver de quoi me blottir. A arracher. Dans le plus grand secret.

En juin 2005, j’ai été montré mon travail pour la première fois, dans une galerie de Nantes prise au hasard de l’ordre alphabétique de l’annuaire téléphonique : il me propose d’exposer mes travaux. Et derrière j’ai rencontré d’autres personnes qui m’ont soutenu.

J’ai commencé en dessinant mon grand-père César Angel Fernandez sur son lit de mort. J’ai eu d’autres expériences fortes où le dessin était lié au secret, à la folie et à la mort.

Je ne peins pas tous les jours parce que ça me fatigue trop.
Quand je peins, je me mets la pression comme si c’était la dernière. Je continue, jusqu’à ça flotte et que je lâche le contrôle. Je mise tout sur l’instant de la perte de connaissance. C’est régresser. C’est à la fois se violenter et être dans un espace libre où il peut y avoir aussi de la douceur. Se donner le droit d’aller dans la zone des instincts de vie et de mort. Par une divagation très primitive. A recouvrir infiniment les mêmes papiers usés jusqu’à ce qu’ils soient marqués par une sorte d’imprégnation ou de projection matérielle de ce qui me constitue. Laisser faire la peinture. L’image latente qui se présente. Se laisser troubler. Jusqu’à ce que ça remplisse l’œil même si tu ne sais pas pourquoi.
La seule chose que tu sais c’est que quelque chose se passe, que cette apparition t’attire et t’inquiète. C’est une fascination.

Après coup cette peinture tu la regardes et tu y vois trop de choses.
Tu vois que tu y a mis des choses que tu aurais dû garder cachés. Que tu as pris le risque de t’ouvrir et de laisser s’exprimer ce qui insiste, ce qui nous excède. les bizarreries lancinantes, ce qui est honteux, trop fragile, trop bestial, trop ceci ou cela. Ce qui a été étouffé.
C’est de la transgression. Que tu n’as pas simplifier sa force d’inquiétude, ses ambiguïtés.
C’est réordonner les désordres originels mais c’est aussi un leurre. Quelque chose auquel on s’accroche pour tenir pour l’instant.
Alors tu montres rien.

Et puis plus tard tu te rends compte qu’il n’y a pas que toi qui est mouillé par cette affaire.
Que cette peinture si personnelle et intime touche au corps, à l ’archaïque et ainsi qu’elles sont universelles, communes donc.
Qu’il y a des choses qu’on ne peut pas éviter et qui marquent : la mère, le père, la mort, la jouissance, la violence, la mélancolie.
L’omniprésente ambiguïté du désir. Les contradictions de la nature humaine. Celle dont les caprices nous mènent souvent à l’inhumain. Que l’exécrable qui nous est insupportable, c’est en nous. Comme la tendresse.
Et d’autres choses.
Qu’on a tous nos petits travers. Les grandeurs et les misères humaines.

Alors tu te dis qu’alors qu’au départ c’était un mouvement très personnel de bannissement, de destruction, c’est devenu un moyen pour moi de partager avec d’autres, de me sentir membre de la communauté humaine. Et que ma peinture relie même d’autres humains entre eux.

Ça donne envie de continuer de se débattre.

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