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Pour préparer les écrits (le titre, le discours de ce soir), j'ai dû réfléchir à mon travail, ce que j'avais évité de faire jusque là. 

Imprudent, c'est le titre que j'ai proposé pour cette exposition. 

Être imprudent c'est prendre de très gros risques sans le savoir. 

Les tableaux qui sont là n'étaient pas faits pour être montrés. Ça faisait vingt ans que je peignais sans montrer. A personne. On s'enfonce. 

C'est pas prudent. 

Jouer tout à chaque fois, peindre comme si c'était la dernière fois, se dépenser en pure perte, un exutoire où je ne réfléchissais pas, où je ne prenais pas garde. Se laisser déborder. 

Par des gestes, des rythmes primaires. Par la confrontation avec la matière. 

J'ai cherché à sortir du domaine du pensé. 

Laisser une chance pour que de cette matière, ça remonte à la surface. 

L'impensable qui se bouscule, qu'on écrase, cette part maudite qui insiste. Lui faire une place ou la dissimuler. Choisir le plus gros risque. Sc coltiner avec le tragique, la répétition, ce qui fait peur. Ça aussi c'est imprudent. 

Et puis je me retrouve là, exposé, et là encore c'est imprudent. Là avec cette langue délestée (restent ces moyens simplissimes), avec ces espaces clos (au pied du mur) et avec ces personnages qui se sont imposés à moi. 

Mais je n'y comprends rien. Quand j’y pense ça m'angoisse. J'avais fait le choix de ne pas réfléchir juste de continuer mon travail obstinément. Comme une fuite en avant. 

C'est sûr, on peut y voir des figures exhibées. surprises, tiraillées, fragiles, de la solitude, de la peur, de la violence, du doute, de la bestialité. Un espace de présentation confuse, de possibles, de fréquentation dangereuse des pulsions qui nous dépassent. Quelque chose qui attire et qui met mal à l'aise. Des contradictions et des non-dits. Des points communs d’humanités. 

On peut voir ça. On a tous nos petits travers. 

Au fond. je préfère ne pas savoir. 

On peut voir sans savoir. Ça te remplit l'œil même si tu ne sais pas pourquoi. Sûrement qu’on ne peut pas savoir. Juste sentir. 

Alors on pourra voir, si on veut, que dans ce gris il y a aussi des regards qui cherchent, des tentatives de séductions, des mains tendues.

Mais pour l'instant je vois que d’être là avec vous me fait me sentir moins seul. 

Que cet effort solitaire de peinture fait qu'on se retrouve là, proches, ensemble, à parler de choses qui nous dépassent, des choses intimes alors que nous n’étions, il y a encore une heure, des inconnus, des étrangers. 

On se sent moins seul. Et ça c'est beaucoup. Merci beaucoup à tous d'être là.

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